Cluny, puis vint l’imprimerie …

Je vous annonçais dans le précédent article que le XVe siècle allait nous apporter un autre grand bouleversement … Ce bouleversement, c’est l’invention par Johannes Gensfleisch de l’imprimerie, et des caractères en plomb qui permettent la composition. Né à Mayence, il a ajouté à son nom Zum (de) Gutenberg, sous lequel il est plus connu. Il travaille à mettre au point son procédé et introduit la presse à imprimer qui permet une impression uniforme et rapide. Le premier livre européen réalisé par Gutenberg, avec des caractères mobiles est la grammaire latine de Donatus, en 1451.

L’invention de l’imprimerie, gravure d’époque reproduite au 19e

L’imprimerie n’apparaît à Cluny qu’en 1493, avec Michel Wensler, venu de Bâle, qui imprime sur place un missel incunable (c’est-à-dire imprimé avant 1500), le « Missale Cluniacense », aujourd’hui conservé à la bibliothèque du Musée, ainsi qu’un Bréviaire de ce millésime. 

Grâce au procédé, la diffusion de l’écrits’emballe. En 1497, Jean Raulin (1443-1514), célèbre prédicateur français venu à la vie religieuse en 1479, se retire à l’abbaye de Cluny, où il applique la réforme voulue par l’abbé de Cluny, cardinal d’Amboise. Il écrit ses épîtres dans le recueillement de sa cellule. C’est à Raulin que La Fontaine a emprunté le sujet des « Animaux malades de la peste ». 

Suivra la rédaction du « Chronicon Cluniacense » par le grand prieur de l’abbaye,François de Rivo, agissant à la demande de l’abbé Jacques d’Amboise.

La Renaissance est là ! Antoine Du Moulin, natif de Cluny, poète, ancien valet de chambre de la reine de Navarre (sœur de François 1er), publie plusieurs ouvrages, entre autres chez les marchands-imprimeurs de Lyon. Le deuxième Missel typographié à Cluny est imprimé en 1553. Guillaume des Autels, juge-mage de la cité, qui fut l’un des sept de la Pléiade de 1553 à 1555, s’essaie à écrire sur le mode de Rabelais de truculents récits. Il est parent et ami de Pontus de Tyard. Après l’assassinat du duc de Guise en 1563,Guillaume des Autels écrit l’une de ses dernières œuvres connues, un sonnet dans lequel il présente le duc défunt comme « le dixième des Preux ». Mais l’affaire qui va faire couler beaucoup d’encre dans cette époque de Guerres de religion est à venir !

En 1581 paraît la première édition de « Légende de Domp Claude de Guyse, abbé de Cluny. Contenant ses faits & gestes, depyuis sa nativité jusques à la mort du Cardinal de Lorraine, & des moyens tenus pour faire mourir le Roy Charles Neuvième, ensemble plusieurs Princes, grands seigneurs & autres,durant ledit temps » par Jean Dagonneau (Dagoneau), fermier de l’abbaye et protestant. C’est un “Violent pamphlet contre Claude de Guise” (Clouzot). Comme le rapporte le bibliothécaire Charles Weiss dans la Biographie universelle (1849), le présent texte fut attribué par l’historien de Thou à Jean Dagonneau. 

Néanmoins l’abbé Philibert Papillon, dans sa Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, préféra avancer le nom de Gilbert Regnault, l’ami de l’auteur. Outre la querelle de la paternité de cet ouvrage, de Thou et Agrippa d’Aubigné en signalèrent une édition de 1574 sous le titre de « Légende de Saint-Nicaise » et dont le contenu était similaire. Le changement de titre s’expliquait par le fait qu’à cette date Claude de Guise était abbé de Saint-Nicaise à Reims. 

Marie Stuart

Par la suite, les Guises ayant réussi à supprimer les exemplaires de cette parution, ces derniers devinrent d’une insigne rareté, ce qui fit considérer l’édition de 1581 comme étant la première. Ce texte virulent traitait sans ménagement Claude de Guise, car ce “bâtard”, ce”bougre”, ce “larron” a perpétré “plusieurs larcins,volleries, sacrilèges, meurtres, empoisonnements, sodomies, fausse monnaie et autres crimes et horribles délits”. Quelques années plus tard (1589), Michelde Guttery, né à Cluny, ami de Guillaume des Autels, qui fut médecin de l’abbé Charles de Lorraine, et dont la famille sert depuis longtemps la famille de Guise, écrira une vie de Marie Stuart. Il faut dire que Marie était la petite fille du premier duc de Guise, Claude de Lorraine et la nièce de François de Guise et de l’abbé Claude de Guise (frère bâtard de François) …

Le XVIIe siècle qui peine à sortir des affres des Guerres de Religion, foisonne de publications religieuses. En 1614, dom Martin Marrier, Bénédictin de Saint-Martin-des-Champs, édite, avec l’aide d’André Duchesne, historien tourangeau, la Bibliotheca Cluniacensis, réunissant privilèges, bulles pontificales, textes théologiques et littéraires, et quelques chartes et diplômes choisis pour leur intérêt historique. La publication est vite épuisée, et l’on pensera maintes fois à la compléter et la rééditer. L’auteur développe un imaginaire de Cluny, marquant ainsi son intérêt pour les anciennes institutions. 1680 ou 1686 : Dom(Paul) Rabusson et Dom (Claude) de Vert publient avec l’aval de l’abbé cardinal de Bouillon le Breviarium Cluniacense(Bréviaire de Cluny), qu’ils ont écrit ensemble à partir de 1676. Il s’inscrit dans la volonté de l’abbé d’uniformiser les pratiques liturgiques. Le XVIIIesiècle va bientôt s’ouvrir au goût des voyages et nous offrir des sources inimitables de descriptions.

Mais ceci vous sera conté le mois prochain !

Frontispice de la « Bibliotheca cluniacensis », 1614

Gérard Thélier, Historien

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